J'ai énormément de gens qui viennent à la librairie me demander ce livre et je n'avais pas l'intention de le lire, donc merci pour cet article qui ouvre tant de pistes de réflexion. Si c'est réellement une IA, je crois que je serai "étonnée mais pas surprise" tant j'ai l'impression que ces pratiques tendent à se multiplier dans l'édition. Et en effet je trouve ça effrayant. Pour la complexité et la stimulation nécessaires que la littérature peut nous apporter. J'avais déjà été horrifiée d'apprendre que certaines series ou films calibrés pour Netflix ne devaient pas être trop compliqués pour pouvoir être regardés en faisant autre chose. En simplifiant tout et en explicitant absolument tout pour être VRAIMENT SÛRS que les gens vont comprendre, on nous rend si paresseux-ses, ça m'angoisse.
J'ai écouté La femme de ménage en livre audio... en faisant le ménage, et je me souviens m'être dit à la fin "oui bon ok, c'est un bon page-turner, je comprends pourquoi y'a tant de gens qui le lisent" Et franchement je déteste le snobisme quand il s'agit des livres, donc un best seller qui fait son taf et qui donne aux gens envie de lire, je dis banco.
Bref.
Je me souviens quand même m'être dit qu'il y avait des trucs un peu incohérents sur la façon dont les personnages étaient présentés. J'avais par exemple trouvé l'arc de la gamine dans l'histoire totalement confus et improbable (mais j'avais aussi mis ça sur le fait que je l'écoutais en livre audio, et que la voix choisie et le ton employé pour lire les dialogues de la gamine y étaient peut-être pour beaucoup). Et les twists m'ont souvent fait levé un sourcil, parce qu'ils étaient à la fois extrêmement prévisibles et pourtant pas très cohérents par rapport à la psychologie des personnages. Je n'avais pas pensé à l'IA dans cette histoire, mais maintenant ça me paraît hautement probable !
Je ne l'ai pas lu, j'ai écouté une voix me le raconter et vraiment je pense que ça fait une vraie différence dans la façon dont on reçoit l'histoire et l'émotion qu'elle suscite. Mais en fouillant ma mémoire, effectivement, non, il n'y a pas d'attachement, pas d'émotion liée aux personnages. Le seul souvenir que j'ai, en dehors du fait d'avoir été divertie en faisant autre chose, c'est un peu d'agacement. Un agacement devant un livre un peu feignant, un peu mécanique, qui parfois sert un peu les fesses en terme de justesse. Et oui, j'ai un peu l'impression de m'être fait voler mon attention sans rien en échange.
Merci beaucoup pour ce partage Elise. Pour moi, le sentiment d'étrangeté est parti du fait que je ne ressentais rien à la lecture de la scène de torture. Tout est parti de ce sentiment de malaise.
C'est vrai que ce passage est sans intérêt sauf à dépeindre le personnage comme étant la "bourreau" psychopathe ou sociopathe (vu qu'elle n'a jamais écoutée les émotions du jardinier etc) ou ajouter une dose de sang nécessaire à tout bon cocktail de réussite
J'ai longtemps entendu parler de ce roman, en fond sonore sur les réseaux sociaux, mais rien qui me faisait tendre l'oreille. Et puis, une amie bibliothécaire m'a dit qu'il était réservé pour les 150 prochaines années à venir là où elle bosse, ça ne m'a pas trop surprise. Mais grâce à ton article, j'ai pu enfin mettre les pieds dans le plat, car je n'avais aucune idée ni de l'histoire ni des controverses. Alors j'ai fait quelques recherches et je vois exactement tous les signaux d'alarme.
Il y a 2-3 ans, j'ai postulé pour le ghostwriting d'un bouquin de développement personnel (ouais je sais pas, à ce moment là je tentais des trucs). Les clients vendaient ensuite les livres sur Amazon Kindle, il y avait plusieurs freelances sur le coup, graphiste, marketer, etc. Leur plus grosse bourde selon moi, c'était que la photo de l'« autrice », c'était une image stock, avec un coup de Google Lens on voyait qu'elle avait été utilisée déjà un paquet de fois. Mais sinon ils avaient un bon rythme de publication, 2-3 livres par an. Du coup je suis tombée dans le rabbithole de ce genre de pratiques, un tas "d'entrepreneurs du web" profitaient de ce business assez lucratif, surtout outre-Atlantique. Quand je regarde la page wikipédia de Freida, j'ai vraiment cette impression étrange de déjà vu. Et bon, quand on cherche des interviews, c'est pas grandiose non plus, elle ne sort jamais du cadre de sa webcam.
Ha mais génial ! Effectivement, il y avait des choses qui me gratouillaient sans que je saisisse pourquoi, grâce à ton article, une amorce de réponse vient de naître !
Je n'ai pas lu ce livre ; l'hypothèse de l'IA ne me paraît pas délirante, et même (et surtout ?), si ce n'est pas ce livre-là, je ne vois pas comment il ne pourrait pas déjà y en avoir sur le marché... Toutefois, les romans paresseux à la psychologie foireuse, les personnages aux motivations douteuses ou branlantes, j'ai l'impression d'en avoir croisé un paquet durant ma carrière de lectrice, qui a commencé bien avant les IA génératives. Y avait-il dans celui-ci quelque chose qui les en distinguait ?
Ce qui est particulier, c'est le contraste incroyable entre les personnages (simplistes) et l'intrigue (compliquée). C'est naïf/flou/mal fini d'un côté et compliqué/précis/calibré de l'autre. Aucune imagination pour les personnages + excès d'imagination pour l'intrigue = IA
Les deux paires de lunettes sur une même pose photographique m’ont convaincue que c’était un avatar ! ;-)
Je lis Tim Ingold Une brève histoire des lignes (v.o. 2007, fr. 2011) collection Points poche.
J’avais été impressionnée par ce livre à l’époque et, retombant dessus à la librairie du Centre Pompidou, j’ai eu envie de retrouver ces fulgurances enfouies !
Je suis aussi une autre lectrice qu’alors, donc curieuse des nouveaux effets qu’il produira…
Il part de la question suivante : Comment en est-on venu à établir une distinction entre le chant et la parole ?
Que dire si ce n’est que je suis ravie de découvrir votre newsletter.
Votre analyse de La Femme de ménage (qui va bien au delà du style désolant et de l’intrigue grotesque) est absolument parfaite. L’angle choisi pour votre chronique est tout aussi génial.
Je ne sais pas si Freida McFadden est un IA, mais elle écrit effectivement comme une IA et dans toute cette histoire c’est bien ça le pire.
L’idée que ce genre de torchon (oui pour moi c’est vraiment à balancer à la poubelle) devienne si populaire qu’il en arrive à reformater nos goûts est vertigineux.
Splendide chronique merci 🙏☺️
Ps : si en plus vous citez Minette Walters, et John Truby , on va vraiment être copines 😆
Merci Sophie :) Oui, vous avez raison, si Freida McFadden n'est pas une IA mais écrit comme une IA, c'est encore plus terrifiant. Presque une nouvelle de Philip K Dick..
Merci pour cet article, c'est vraiment passionnant! J'ai eu une réflexion assez similaire tout récemment, en m'interrogeant sur ce qui nous faisait aimer une lecture, et j'ai justement fait la distinction entre une forme de "suspense mécanique" qui pourrait être construit par machine (et qui correspondrait ici à l'aspect page-turner du roman)... une nécessité de cohérence interne, qui semble déjà faire défaut à ce roman, mais qui pourrait techniquement aussi être réalisée "artificiellement" ou à peu près... et, enfin, le sentiment de vrai qui fait qu'une œuvre a un écho profond en nous, au-delà de sa virtuosité technique, et qui, je pense, demeure le propre de l'humain.
"Ce que nous cherchons dans la lecture est un échange, l’émotion de l’auteur contre celle du lecteur." J'aime beaucoup cette phrase et je suis entièrement d'accord. Pour moi aussi, la littérature est un dialogue par-delà le temps et l'espace. C'est un lien entre humains. Ça n'a plus d'intérêt si ce n'est plus qu'un passe-temps, une façon de ne pas trop s'ennuyer en attendant la mort.
À part ça, le truc de La Psy, je tiens à signaler que c'est aussi ce qui fait tenir le célèbre Dix Petits Nègres / Ils étaient dix d'Agatha Christie (on entre dès le début du roman dans la tête du meurtrier qui a tout machiné, et qui s'étonne en toute innocence de ce qui l'attend). Je l'ai lu quand j'avais 12 ans et je me suis sentie complètement arnaquée, mais ça n'empêche apparemment pas Agatha Christie d'être toujours révérée comme la grande dame du policier / whodunit.
Merci Jeanne. Oui le narrateur criminel nous vient d'Agatha Christie. Je n'ai rien contre les bonnes intrigues et les twist, je peux même dire que j'adore ça. Simplement, si la psychologie est défaillante, cela devient une pure résolution de problème. Il est d'ailleurs possible que les livres de McFadden exercent aussi une fascination en raison de ce côté "weird" des personnages et de leur étrangeté psychologique.
J'ai adoré ton article, Isabelle ! J'ai halluciné en observant ces personnages qui agissent sans leur psychologie, et tout d'un coup ton explication sur l'IA me soulagerait presque ahahah. Je trouve ça super intéressant que tu soulignes que le danger c'est pas tant le grand remplacement par l'IA, mais plutôt que nous on se mette à s'anesthésier comme elle.
Bon, finalement, c'est toi qui as ouvert un thriller avec ce changement de lunettes sur la photo de l'écrivaine, trop envie de connaître le fin mot de l'histoire !
Merci Oksanna. Oui, nous sommes des êtres d'imitation et de répétition, infiniment plastiques et manipulables. C'est pourquoi la réalité imite parfois la fiction. Mais ce serait dommage qu'elle imite La femme de ménage!
Un million de mercis Isabelle pour ce post ! Ça me donne presque envie de lire « La femme de ménage » pour voir ce qu’est un livre ou les émotions sont absentes, ou presque.
Bien sûr que les livres servent avant tout à ressentir, à éprouver ce qu’éprouvent d’autres que soi, à pleurer, à aimer, à se retrouver plongé au XVIIIe siècle, en Chine, aux États-Unis, chez les Inuits, à vivre comme un homme quand on est une femme, comme un Indien, comme un criminel, comme… Raconter des histoires pour «vivre comme » en somme. Comme tu sais si bien le faire !
La théorie est géniale ! Je suis allée sur la page Wikipedia de l'autrice : ce qui me choque c'est que sa vie ressemble à celle d'un personnage de roman préfabriqué. Médecin spécialisée dans le cerveau, mari ingénieur, père psychiatre, deux enfants. Tout bien lisse bien parfait. Comme le début d'un téléfilm américain. Aucune texture à l'horizon. C'est son nom de plume, on a aucun élément. Je suis aussi allée voir les interviews sur YouTube : le faux décor zoom (même pas le mieux) comme indiqué dans l'article, toujours les mêmes lunettes, les cheveux coiffés exactement pareil que sur les photos.
Le roman ne me plaît pas mais le jeu de piste me fascine. On pourrait écrire sur cette histoire un texte meilleur que les siens !
J'adore ton analyse, investigation presque psychologique de ce style et roman. Je l'ai lu, comme toi déçue par l'aspect "too much" et incohérent des personnages ainsi que de l'escalade (on entends presque la musique qui doit nous faire peur augmenter en fond sonore).
J'avoue que ce qui me passionne c'est "l'effet tendance". Pourquoi ce livre ? pourquoi maintenant ? alors qu'il est sympa sans plus.
Merci beaucoup pour cette réflexion. Cette idée m'avait traversé l'esprit pour des raisons similaires (et quelques autres) mais je n'avais pas creusé la question publiquement. Je crains toujours de décrédibiliser une véritable autrice. D'autant plus qu'en 2022, date de la parution du premier roman, les expériences de création par LLM n'avaient pas encore atteint les niveaux actuels : il faut une certaine maîtrise pour créer quelque chose de publiable avec l'IA, ça demande du travail.
Ce soupçon pose surtout la question de savoir dans quelle mesure les lecteurs accepteraient de lire des textes créés ouvertement avec l'aide de l'IA (cette aide pouvant d'ailleurs prendre des formes plus ou moins invasives et considérées comme "acceptables" y compris par certains auteurs), dès l'instant où ces écrits satisferaient leurs besoins en nourriture narrative (on parle de consommer des contenus et non plus de lire, donc poussons la logique).
Au contraire, comme beaucoup, je perçois l'écriture/lecture comme un échange auteur/lecteur, pas comme un gavage.
Voir fleurir des éditeurs transformés en show-runner d'assistants IA sur dust, surfant sur les tendances et produisant en un mois des romans répondant aux "besoins en nourriture narrative" ne me paraît pas inenvisageable, hélas. Fast-fashion books.
On sait combien ça fonctionne avec les vêtements, même si ça n'empêche pas la haute couture d'exister ni les autres types de créations mais ça occupe le terrain et surtout ça appauvrit l'humain.
(Désolée, c'est mon côté SF dystopique qui ressort, d'ailleurs, ça pourrait me donner des idées de nouvelles, c'est toujours ça).
J'ai lu "La prof", de la même "autrice" (du coup je mets les guillemets du doute). J'avais pas envie de faire comme tout le monde en lisant d'abord la série de la femme de ménage. J'avais vraiment un doute, mais à force de voir tout le monde, y compris ma soeur et Fabien Olicard, lire cette série, je me suis dit que j'allais tenter avec un aussi.
Et j'ai ressenti le même genre de malaise. A la fois le côté "Oh, bien joué, je l'avais pas vu venir", et en même temps le côté "mais en fait, à sa place, je serais dévastée/enragée", alors qu'en fait certaines actions des personnages semblent juste mécaniques, sans qu'on puisse les rattacher à une psychologie quelconque. Je ne lis pas souvent de trucs horribles, je trouve que le quotidien amène déjà sa dose, mais ça m'est arrivé de lire des Stephen King, par exemple, où certes les gens sont parfois des psychopathes terrorisants, mais où ils restent des psychopathes terrorisants d'un bout à l'autre, et donc où les actes ont un "sens" par rapport à leur façon de réfléchir.
Ici, effectivement, on a des actes posés, mais qui ne semblent pas toujours reliés à des sentiments, ou des façons de penser "logiquement humaines".
Du coup, cette hypothèse de l'IA me paraît plutôt intéressante, voire probable. Et, quelque part, ce serait aussi un soulagement de savoir que le manque de psychologie des personnages n'est pas de la paresse d'une autrice très moyenne. Mais je suis d'accord avec vous, me faire lire de l'IA sans que je sache que c'est de l'IA, je déteste. Et j'ai l'impression de me faire voler. Heureusement, le livre m'a été prêté, donc on ne m'a volé "que" quelques heures d'attention. Et une bonne moitié de nuit parce qu'à la fin, je voulais la connaître, la fin! Mais si je n'ai rien contre le fait de lire de l'IA (en soi, pourquoi pas, ça peut être une expérience intéressante, peut-être?), je préfèrerais que ce soit clairement étiqueté. Question d'éthique, même si je ne suis ni mafieuse ni sicilienne.
Et vous allez rire, mais je lis pour l'instant, et donc juste après, "La neige ne tombe pas en hiver", de Bruno Combes, et je ne sais pas si c'est un effet d'écho, mais j'ai un peu la même sensation de ne pas comprendre les sauts de style (entre autres une scène plutôt "hot" qui, je trouve, n'apporte absolument rien à l'histoire), les raccourcis, les changements d'opinion ou de comportement des personnages qui me déconcertent totalement. Ou alors je deviens folle...
Merci en tous cas pour cette hypothèse très éclairante!
Je ne l'ai pas lu, je vois partout ses couvertures mais cela ne m'attire pas. Certainement parce que je sais que ça va se lire vite, trop vite et j'aurai un arrière goût de qualité-prix qui me restera dans la gorge :p
Angle IA intéressant, j'ai du coup cherché en ligne et trouvé une vidéo youtube.
Ironique, un article de msn.com d'il y a un mois se pose la même question que vous, du fait qu'on ne la voit quasiment pas. Mais elle souffrirait de trouble anxieux.
Si le style est vraiment si plat, on peut penser qu'elle est réelle mais qu'elle écrit sous IA ;)
J'ai énormément de gens qui viennent à la librairie me demander ce livre et je n'avais pas l'intention de le lire, donc merci pour cet article qui ouvre tant de pistes de réflexion. Si c'est réellement une IA, je crois que je serai "étonnée mais pas surprise" tant j'ai l'impression que ces pratiques tendent à se multiplier dans l'édition. Et en effet je trouve ça effrayant. Pour la complexité et la stimulation nécessaires que la littérature peut nous apporter. J'avais déjà été horrifiée d'apprendre que certaines series ou films calibrés pour Netflix ne devaient pas être trop compliqués pour pouvoir être regardés en faisant autre chose. En simplifiant tout et en explicitant absolument tout pour être VRAIMENT SÛRS que les gens vont comprendre, on nous rend si paresseux-ses, ça m'angoisse.
J'ai écouté La femme de ménage en livre audio... en faisant le ménage, et je me souviens m'être dit à la fin "oui bon ok, c'est un bon page-turner, je comprends pourquoi y'a tant de gens qui le lisent" Et franchement je déteste le snobisme quand il s'agit des livres, donc un best seller qui fait son taf et qui donne aux gens envie de lire, je dis banco.
Bref.
Je me souviens quand même m'être dit qu'il y avait des trucs un peu incohérents sur la façon dont les personnages étaient présentés. J'avais par exemple trouvé l'arc de la gamine dans l'histoire totalement confus et improbable (mais j'avais aussi mis ça sur le fait que je l'écoutais en livre audio, et que la voix choisie et le ton employé pour lire les dialogues de la gamine y étaient peut-être pour beaucoup). Et les twists m'ont souvent fait levé un sourcil, parce qu'ils étaient à la fois extrêmement prévisibles et pourtant pas très cohérents par rapport à la psychologie des personnages. Je n'avais pas pensé à l'IA dans cette histoire, mais maintenant ça me paraît hautement probable !
Je ne l'ai pas lu, j'ai écouté une voix me le raconter et vraiment je pense que ça fait une vraie différence dans la façon dont on reçoit l'histoire et l'émotion qu'elle suscite. Mais en fouillant ma mémoire, effectivement, non, il n'y a pas d'attachement, pas d'émotion liée aux personnages. Le seul souvenir que j'ai, en dehors du fait d'avoir été divertie en faisant autre chose, c'est un peu d'agacement. Un agacement devant un livre un peu feignant, un peu mécanique, qui parfois sert un peu les fesses en terme de justesse. Et oui, j'ai un peu l'impression de m'être fait voler mon attention sans rien en échange.
Merci beaucoup pour ce partage Elise. Pour moi, le sentiment d'étrangeté est parti du fait que je ne ressentais rien à la lecture de la scène de torture. Tout est parti de ce sentiment de malaise.
C'est vrai que ce passage est sans intérêt sauf à dépeindre le personnage comme étant la "bourreau" psychopathe ou sociopathe (vu qu'elle n'a jamais écoutée les émotions du jardinier etc) ou ajouter une dose de sang nécessaire à tout bon cocktail de réussite
J'ai longtemps entendu parler de ce roman, en fond sonore sur les réseaux sociaux, mais rien qui me faisait tendre l'oreille. Et puis, une amie bibliothécaire m'a dit qu'il était réservé pour les 150 prochaines années à venir là où elle bosse, ça ne m'a pas trop surprise. Mais grâce à ton article, j'ai pu enfin mettre les pieds dans le plat, car je n'avais aucune idée ni de l'histoire ni des controverses. Alors j'ai fait quelques recherches et je vois exactement tous les signaux d'alarme.
Il y a 2-3 ans, j'ai postulé pour le ghostwriting d'un bouquin de développement personnel (ouais je sais pas, à ce moment là je tentais des trucs). Les clients vendaient ensuite les livres sur Amazon Kindle, il y avait plusieurs freelances sur le coup, graphiste, marketer, etc. Leur plus grosse bourde selon moi, c'était que la photo de l'« autrice », c'était une image stock, avec un coup de Google Lens on voyait qu'elle avait été utilisée déjà un paquet de fois. Mais sinon ils avaient un bon rythme de publication, 2-3 livres par an. Du coup je suis tombée dans le rabbithole de ce genre de pratiques, un tas "d'entrepreneurs du web" profitaient de ce business assez lucratif, surtout outre-Atlantique. Quand je regarde la page wikipédia de Freida, j'ai vraiment cette impression étrange de déjà vu. Et bon, quand on cherche des interviews, c'est pas grandiose non plus, elle ne sort jamais du cadre de sa webcam.
Merci pour ton partage, Violette. Je crois aussi que c'est un business très lucratif (surtout quand les auteurs sont des IA).
Ha mais génial ! Effectivement, il y avait des choses qui me gratouillaient sans que je saisisse pourquoi, grâce à ton article, une amorce de réponse vient de naître !
Je n'ai pas lu ce livre ; l'hypothèse de l'IA ne me paraît pas délirante, et même (et surtout ?), si ce n'est pas ce livre-là, je ne vois pas comment il ne pourrait pas déjà y en avoir sur le marché... Toutefois, les romans paresseux à la psychologie foireuse, les personnages aux motivations douteuses ou branlantes, j'ai l'impression d'en avoir croisé un paquet durant ma carrière de lectrice, qui a commencé bien avant les IA génératives. Y avait-il dans celui-ci quelque chose qui les en distinguait ?
V.
Ce qui est particulier, c'est le contraste incroyable entre les personnages (simplistes) et l'intrigue (compliquée). C'est naïf/flou/mal fini d'un côté et compliqué/précis/calibré de l'autre. Aucune imagination pour les personnages + excès d'imagination pour l'intrigue = IA
Merci pour ce texte éclairant.
Les deux paires de lunettes sur une même pose photographique m’ont convaincue que c’était un avatar ! ;-)
Je lis Tim Ingold Une brève histoire des lignes (v.o. 2007, fr. 2011) collection Points poche.
J’avais été impressionnée par ce livre à l’époque et, retombant dessus à la librairie du Centre Pompidou, j’ai eu envie de retrouver ces fulgurances enfouies !
Je suis aussi une autre lectrice qu’alors, donc curieuse des nouveaux effets qu’il produira…
Il part de la question suivante : Comment en est-on venu à établir une distinction entre le chant et la parole ?
Bonjour Isabelle,
Que dire si ce n’est que je suis ravie de découvrir votre newsletter.
Votre analyse de La Femme de ménage (qui va bien au delà du style désolant et de l’intrigue grotesque) est absolument parfaite. L’angle choisi pour votre chronique est tout aussi génial.
Je ne sais pas si Freida McFadden est un IA, mais elle écrit effectivement comme une IA et dans toute cette histoire c’est bien ça le pire.
L’idée que ce genre de torchon (oui pour moi c’est vraiment à balancer à la poubelle) devienne si populaire qu’il en arrive à reformater nos goûts est vertigineux.
Splendide chronique merci 🙏☺️
Ps : si en plus vous citez Minette Walters, et John Truby , on va vraiment être copines 😆
Merci Sophie :) Oui, vous avez raison, si Freida McFadden n'est pas une IA mais écrit comme une IA, c'est encore plus terrifiant. Presque une nouvelle de Philip K Dick..
Merci pour cet article, c'est vraiment passionnant! J'ai eu une réflexion assez similaire tout récemment, en m'interrogeant sur ce qui nous faisait aimer une lecture, et j'ai justement fait la distinction entre une forme de "suspense mécanique" qui pourrait être construit par machine (et qui correspondrait ici à l'aspect page-turner du roman)... une nécessité de cohérence interne, qui semble déjà faire défaut à ce roman, mais qui pourrait techniquement aussi être réalisée "artificiellement" ou à peu près... et, enfin, le sentiment de vrai qui fait qu'une œuvre a un écho profond en nous, au-delà de sa virtuosité technique, et qui, je pense, demeure le propre de l'humain.
"Ce que nous cherchons dans la lecture est un échange, l’émotion de l’auteur contre celle du lecteur." J'aime beaucoup cette phrase et je suis entièrement d'accord. Pour moi aussi, la littérature est un dialogue par-delà le temps et l'espace. C'est un lien entre humains. Ça n'a plus d'intérêt si ce n'est plus qu'un passe-temps, une façon de ne pas trop s'ennuyer en attendant la mort.
À part ça, le truc de La Psy, je tiens à signaler que c'est aussi ce qui fait tenir le célèbre Dix Petits Nègres / Ils étaient dix d'Agatha Christie (on entre dès le début du roman dans la tête du meurtrier qui a tout machiné, et qui s'étonne en toute innocence de ce qui l'attend). Je l'ai lu quand j'avais 12 ans et je me suis sentie complètement arnaquée, mais ça n'empêche apparemment pas Agatha Christie d'être toujours révérée comme la grande dame du policier / whodunit.
Merci Jeanne. Oui le narrateur criminel nous vient d'Agatha Christie. Je n'ai rien contre les bonnes intrigues et les twist, je peux même dire que j'adore ça. Simplement, si la psychologie est défaillante, cela devient une pure résolution de problème. Il est d'ailleurs possible que les livres de McFadden exercent aussi une fascination en raison de ce côté "weird" des personnages et de leur étrangeté psychologique.
J'ai adoré ton article, Isabelle ! J'ai halluciné en observant ces personnages qui agissent sans leur psychologie, et tout d'un coup ton explication sur l'IA me soulagerait presque ahahah. Je trouve ça super intéressant que tu soulignes que le danger c'est pas tant le grand remplacement par l'IA, mais plutôt que nous on se mette à s'anesthésier comme elle.
Bon, finalement, c'est toi qui as ouvert un thriller avec ce changement de lunettes sur la photo de l'écrivaine, trop envie de connaître le fin mot de l'histoire !
Merci Oksanna. Oui, nous sommes des êtres d'imitation et de répétition, infiniment plastiques et manipulables. C'est pourquoi la réalité imite parfois la fiction. Mais ce serait dommage qu'elle imite La femme de ménage!
Un million de mercis Isabelle pour ce post ! Ça me donne presque envie de lire « La femme de ménage » pour voir ce qu’est un livre ou les émotions sont absentes, ou presque.
Bien sûr que les livres servent avant tout à ressentir, à éprouver ce qu’éprouvent d’autres que soi, à pleurer, à aimer, à se retrouver plongé au XVIIIe siècle, en Chine, aux États-Unis, chez les Inuits, à vivre comme un homme quand on est une femme, comme un Indien, comme un criminel, comme… Raconter des histoires pour «vivre comme » en somme. Comme tu sais si bien le faire !
Merci Marie-Eve :-) Je serais curieuse d'avoir ton avis si tu lis le bouquin.
Je vais essayer de le lire oui ! Je te dirai :)
La théorie est géniale ! Je suis allée sur la page Wikipedia de l'autrice : ce qui me choque c'est que sa vie ressemble à celle d'un personnage de roman préfabriqué. Médecin spécialisée dans le cerveau, mari ingénieur, père psychiatre, deux enfants. Tout bien lisse bien parfait. Comme le début d'un téléfilm américain. Aucune texture à l'horizon. C'est son nom de plume, on a aucun élément. Je suis aussi allée voir les interviews sur YouTube : le faux décor zoom (même pas le mieux) comme indiqué dans l'article, toujours les mêmes lunettes, les cheveux coiffés exactement pareil que sur les photos.
Le roman ne me plaît pas mais le jeu de piste me fascine. On pourrait écrire sur cette histoire un texte meilleur que les siens !
J'adore ton analyse, investigation presque psychologique de ce style et roman. Je l'ai lu, comme toi déçue par l'aspect "too much" et incohérent des personnages ainsi que de l'escalade (on entends presque la musique qui doit nous faire peur augmenter en fond sonore).
J'avoue que ce qui me passionne c'est "l'effet tendance". Pourquoi ce livre ? pourquoi maintenant ? alors qu'il est sympa sans plus.
Avez-vous posé la question à ChatGPT? 😁
Merci beaucoup pour cette réflexion. Cette idée m'avait traversé l'esprit pour des raisons similaires (et quelques autres) mais je n'avais pas creusé la question publiquement. Je crains toujours de décrédibiliser une véritable autrice. D'autant plus qu'en 2022, date de la parution du premier roman, les expériences de création par LLM n'avaient pas encore atteint les niveaux actuels : il faut une certaine maîtrise pour créer quelque chose de publiable avec l'IA, ça demande du travail.
Ce soupçon pose surtout la question de savoir dans quelle mesure les lecteurs accepteraient de lire des textes créés ouvertement avec l'aide de l'IA (cette aide pouvant d'ailleurs prendre des formes plus ou moins invasives et considérées comme "acceptables" y compris par certains auteurs), dès l'instant où ces écrits satisferaient leurs besoins en nourriture narrative (on parle de consommer des contenus et non plus de lire, donc poussons la logique).
Au contraire, comme beaucoup, je perçois l'écriture/lecture comme un échange auteur/lecteur, pas comme un gavage.
Voir fleurir des éditeurs transformés en show-runner d'assistants IA sur dust, surfant sur les tendances et produisant en un mois des romans répondant aux "besoins en nourriture narrative" ne me paraît pas inenvisageable, hélas. Fast-fashion books.
On sait combien ça fonctionne avec les vêtements, même si ça n'empêche pas la haute couture d'exister ni les autres types de créations mais ça occupe le terrain et surtout ça appauvrit l'humain.
(Désolée, c'est mon côté SF dystopique qui ressort, d'ailleurs, ça pourrait me donner des idées de nouvelles, c'est toujours ça).
J'ai lu "La prof", de la même "autrice" (du coup je mets les guillemets du doute). J'avais pas envie de faire comme tout le monde en lisant d'abord la série de la femme de ménage. J'avais vraiment un doute, mais à force de voir tout le monde, y compris ma soeur et Fabien Olicard, lire cette série, je me suis dit que j'allais tenter avec un aussi.
Et j'ai ressenti le même genre de malaise. A la fois le côté "Oh, bien joué, je l'avais pas vu venir", et en même temps le côté "mais en fait, à sa place, je serais dévastée/enragée", alors qu'en fait certaines actions des personnages semblent juste mécaniques, sans qu'on puisse les rattacher à une psychologie quelconque. Je ne lis pas souvent de trucs horribles, je trouve que le quotidien amène déjà sa dose, mais ça m'est arrivé de lire des Stephen King, par exemple, où certes les gens sont parfois des psychopathes terrorisants, mais où ils restent des psychopathes terrorisants d'un bout à l'autre, et donc où les actes ont un "sens" par rapport à leur façon de réfléchir.
Ici, effectivement, on a des actes posés, mais qui ne semblent pas toujours reliés à des sentiments, ou des façons de penser "logiquement humaines".
Du coup, cette hypothèse de l'IA me paraît plutôt intéressante, voire probable. Et, quelque part, ce serait aussi un soulagement de savoir que le manque de psychologie des personnages n'est pas de la paresse d'une autrice très moyenne. Mais je suis d'accord avec vous, me faire lire de l'IA sans que je sache que c'est de l'IA, je déteste. Et j'ai l'impression de me faire voler. Heureusement, le livre m'a été prêté, donc on ne m'a volé "que" quelques heures d'attention. Et une bonne moitié de nuit parce qu'à la fin, je voulais la connaître, la fin! Mais si je n'ai rien contre le fait de lire de l'IA (en soi, pourquoi pas, ça peut être une expérience intéressante, peut-être?), je préfèrerais que ce soit clairement étiqueté. Question d'éthique, même si je ne suis ni mafieuse ni sicilienne.
Et vous allez rire, mais je lis pour l'instant, et donc juste après, "La neige ne tombe pas en hiver", de Bruno Combes, et je ne sais pas si c'est un effet d'écho, mais j'ai un peu la même sensation de ne pas comprendre les sauts de style (entre autres une scène plutôt "hot" qui, je trouve, n'apporte absolument rien à l'histoire), les raccourcis, les changements d'opinion ou de comportement des personnages qui me déconcertent totalement. Ou alors je deviens folle...
Merci en tous cas pour cette hypothèse très éclairante!
Je ne l'ai pas lu, je vois partout ses couvertures mais cela ne m'attire pas. Certainement parce que je sais que ça va se lire vite, trop vite et j'aurai un arrière goût de qualité-prix qui me restera dans la gorge :p
Angle IA intéressant, j'ai du coup cherché en ligne et trouvé une vidéo youtube.
Ironique, un article de msn.com d'il y a un mois se pose la même question que vous, du fait qu'on ne la voit quasiment pas. Mais elle souffrirait de trouble anxieux.
Si le style est vraiment si plat, on peut penser qu'elle est réelle mais qu'elle écrit sous IA ;)